Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Le peuple dit que, dans la maladie, la santé se repose. »
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Gustave FLAUBERT / Dictionnaire des idées reçues / Bouvard et Pécuchet / Garnier-Flammarion 1966
« MALADE. - Pour remonter le moral d’un malade, rire de son affection et nier ses souffrances. »
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Léon DAUDET / Souvenirs / Robert Laffont - Bouquins 1992
La syphilis comme moyen d’explication :
« Le microbe du terrible mal, le tréponème, puisqu’il faut l’appeler par son nom, est aussi bien le fouet
du génie et du talent, de l’héroïsme et de l’esprit, que de celui de la paralysie générale, du tabès et de
presque toutes les dégénérescences. Tantôt excitant et stimulant, tantôt engourdissant et paralysant, forant
et travaillant les cellules de la moelle, de même que celles du cerveau, maître des congestions, des manies,
des hémorragies, des grandes découvertes et des scléroses, le tréponème héréditaire, renforcé par les
croisements entre familles syphilitiques, a joué, joue et jouera un rôle comparable à celui du fatum de
l’Antiquité. Il est le personnage, invisible mais présent, qui meut les romantiques et les déséquilibrés, les
aberrants d’aspect sublime, les révolutionnaires pédants ou violents. Il est le ferment qui fait lever la pâte
un peu lourde du sang paysan et l’affine en deux générations. Du fils d’une bonne il fait un grand poète,
d’un petit-bourgeois paisible un satyre, d’un commerçant un métaphysicien, d’un marin un astronome ou
un conquérant. Une époque telle que le XVIe siècle, avec ses splendeurs et ses turpitudes, sa bravoure,
sa frénésie amoureuse, son expansion formidable, apparaît à l’observateur averti ainsi qu’une incursion
du tréponème dans l’élite comme dans les masses populaires, ainsi qu’une sarabande d’hérédos. Dès la
première ligne de sa fameuse dédicace, Rabelais avait vu juste, et lui-même sûrement en était, avec son
verbe fulgurant, sa perpétuelle levée d’images forcenées et brillantes. La plupart des dégénérescences, la
majorité des méfaits attribués à l’alcoolisme sont imputables à ce spirille, d’une agilité, d’une ductilité,
d’une pénétration, d’une congénitalité, si l’on peut dire, encore mystérieux, autant que le "quel monstre
est-ce", de la goutte de semence "de quoy nous sommes produits" à laquelle Montaigne fait allusion dans
sa Ressemblance des enfants aux pères. Analogue pour l’élan et l’acrobatisme au propagateur de la vie, associé
à lui dans mainte conception par la transmission héréditaire, le tréponème propage à la fois l’intensité
dramatique de la vie, la stérilité qui est son contraire et les plus durs fléaux. Il est un daimôn matériel avec
qui l’esprit doit compter, une vrille physique le moral et le factotum de l’instinct sexuel. Avant qu’il soit
longtemps, je vous jure, cette notion en bouleversera beaucoup d’autres et fera un massacre de poncifs. »
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Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Citation, page 72, d’un mot du Prince Edmond de PoIignac : "Un tel ? Il ne peut pas être intelligent, il
n’est pas malade." Cela a l’air de boutade. Il y a une part de vrai. Il est bien certain qu’un certain état
maladif, chez un homme intelligent, produit un affinement (voilà que je ne sais plus si ce mot est français)
de l’intelligence, l’amène à des pensées, des sensations qu’il n’aurait peut-être pas sans cet état maladif. La
songerie acquiert des prolongements, des profondeurs. On peut en citer un exemple avec Marcel Schwob.
Cet état peut créer comme une finesse de tout l’individu, une finesse morale, en même temps que donner
une certaine destruction physique. L’homme de grande santé, sans généraliser, est plus porté à la vulgarité
physique et à quelque chose de commun dans les idées. »
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« Il est à remarquer, ce n’est pas la première fois que je le vois, que tous les gens qui parlent d’une opération
quelconque, pour eux ou pour des proches, cette opération a toujours été faite par le "premier chirurgien de
Paris" ou par le "premier spécialiste". »
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« On est bien portant. On voit des malades. On les sait perdus. On les veut tromper, tenir dans l’illusion,
par de bonnes paroles, et y croire. On est malade à son tour, et on se laisse tromper et tenir dans l’illusion
comme les autres. »
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Sacha GUITRY / La maladie / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Si vous êtes malade, ne le soyez pas trop longtemps.
Tâchez de ne pas dépasser les 21 jours réglementaires, car, vous ne pouvez pas l’ignorer, la patience des
meilleurs amis est assez courte et vous auriez vite l’impression d’être délaissé. »
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André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La peste soit de ces gens devant lesquels on ne peut pas renifler sans qu’aussitôt ils vous demandent :
"Vous êtes enrhumé?". »
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« Je n’ai jamais rencontré quelqu’un de ceux qui se vantent de n’avoir jamais été malades, qui ne soit,
par quelque côté, un peu sot ; comme ceux qui n’ont jamais voyagé ; et je me souviens que Charles-Louis
Philippe appelait fort joliment les maladies : les voyages du pauvre.
Ceux qui n’ont jamais été malades sont incapables de vraie sympathie pour une quantité de misères. »
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Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Le travail est loin d’être toujours conscient. Ainsi même physiquement les moindres mouvements— les
sensations ordinaires— le simple fait de vivre entraîne dépense d’énergie, mais on ne la perçoit pas. Mais
dès que malade alors cela apparaît. Psychologiquement la maladie est un accroissement de sensibilité à
l’égard des dépenses d’énergie. »
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Emil CIORAN / Le livre des leurres (1936) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Un malade est supérieur à l’homme en bonne santé. Et pourtant chaque homme sain se sent supérieur au
malade. Depuis qu’il y a monde, l’homme en bonne santé ressent la maladie de l’autre comme une flatterie.
C’est une sorte de garantie secrète que lui donne la nature et dont il est fier, sans le dire. Les sentiments
les plus ordinaires naissent du contact des hommes malades avec les autres. Faire la psychologie de ces
relations signifierait écrire la justification définitive du dégoût. »
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Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Je me suis souvent demandé et me le demande souvent encore ce qui peut bien différencier une mauvaise
bronchite d’une bonne. »
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Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Les maladies : on croit toujours qu’on va en guérir, ou en mourir ; alors que ce qui arrive, c’est autre
chose : on vit, et on vieillit avec. »
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Antonio R. DAMASIO / L’erreur de Descartes - La raison des émotions / Ed Odile Jacob 1995
« La distinction entre maladies du "cerveau" et maladies "mentales", entre problèmes "neurologiques" et
"psychologiques", relève d’ un héritage culturel malheureux qui imprègne toute la société, en général, et la
médecine, en particulier. Elle reflète une méconnaissance fondamentale des rapports entre le cerveau et l’
esprit. Dans le cadre de cette tradition, on estime que les maladies du cerveau sont des affections dont on ne
peut blâmer ceux qui en sont atteints, tandis que les maladies psychologiques, et surtout celles qui touchent
à la façon de se conduire et aux réactions émotionnelles, sont des troubles de la relation interpersonnelle,
dans lesquels lesmalades ont une grande part de responsabilité.Dans ce contexte, il est courant de reprocher
aux individus leurs défauts de caractère, le déséquilibre de leurs réactions émotionnelles, et ainsi de suite ;
le manque de volonté est considéré comme la source primordiale de tous leurs problèmes. »
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Jean DUTOURD / Dutouriana / Plon 2002
« La santé, comme l’argent, est un moyen, non une fin. »
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Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Il y a déjà longtemps que l’on improuve les médecins, et que l’on s’en sert ; le théâtre et la satire ne
touchent point à leurs pensions ; ils dotent leurs filles, placent leurs fils aux parlements et dans la prélature,
et les railleurs eux-mêmes fournissent l’argent. Ceux qui se portent bien deviennent malades, il leur faut
des gens dont le métier soit de les assurer qu’ils ne mourront point : tant que les hommes pourront mourir,
et qu’ils aimeront à vivre, le médecin sera raillé et bien payé. »
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Charles DUFRESNY / Amusements sérieux et comiques (1698) / Moralistes du XVIIe siècle / Robert
Laffont - Bouquins 1992
« L’absence des médecins est un souverain remède pour celui qui n’a point recours au charlatan.
Ce n’est pas qu’il n’y ait des charlatans de bonne foi : cet étranger, par exemple, est fort sincère. Il débite
de l’eau de fontaine à trente sols la bouteille : il dit qu’il y a dans son eau une vertu occulte qui guérit des
plus grands maux ; il en jure, et jure vrai, puisque cette eau le guérit lui-même de la pauvreté, qui renferme
les plus grands maux. »
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Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Homéopathe n. L’humoriste de la profession médicale. »
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Georges COURTELINE / Philosophie / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« REMÈDE: agent thérapeutique qui guérit rarement le mal qu’on a, mais donne à chaque instant un mal
qu’on n’avait pas. »
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Jules ROMAINS / Knock ou Le triomphe de la Médecine / Folio 60 Gallimard 1924
« LE DOCTEUR — Comment ? Ne m’avez-vous pas dit que vous veniez de passer votre thèse l’été
dernier?
KNOCK — Oui, trente-deux pages in-octavo : Sur les prétendus états de santé, avec cette épigraphe, que
j’ai attribuée à Claude Bernard : "Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent." »
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Paul LÉAUTAUD / Propos d’un jour / OEuvres / Mercure de France 1988
« Je n’aime ni les infirmes, ni les anormaux, ni les mal faits, ni les détraqués, ni les tarés, arriérés et
incapables d’une sorte ou d’une autre. Que diable n’a-t-on pas mis au baquet, à leur naissance, tous ces
déchets ! Cette époque me fait pitié à vouloir les faire vivre à toute force. »
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Louis-Ferdinand CÉLINE / Voyage au bout de la nuit (1932) / Romans (1) / Bibliothèque de la Pléiade
/ nrf Gallimard 1997
« La médecine, c’est ingrat. Quand on se fait honorer par les riches, on a l’air d’un larbin, par les pauvres
on a tout du voleur. »
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Sacha GUITRY / Mes Médecins / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Sait-on comment, jadis, en Chine, s’exerçait la profession de médecin?
D’une manière originale si l’on veut, mais à quel point logique, et que bien des gens adopteraient sans
doute avec plaisir chez nous, si Messieurs les Docteurs voulaient s’y prêter.
On paie ici son médecin quand on est mal portant — c’était tout justement le contraire là-bas. On faisait
choix d’un bon docteur et l’on convenait avec lui d’appointements annuels dont le paiement était d’office
suspendu pendant le temps que l’on était malade.
L’intérêt du docteur à vous guérir très vite était donc évident. »
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Léon DAUDET / Souvenirs / Robert Laffont - Bouquins 1992
Médecine militaire :
« Au commencement, nous faisions du zèle et des pansements compliqués selon les formules ultramodernes
de nos hôpitaux. Mais bientôt la routine de l’infirmerie et le scepticisme de notre bon major - dont j’ai
compris depuis la haute sagesse - nous ramenèrent à l’ipéca, au sulfate de soude et au bain de pied à la
moutarde, ainsi qu’à l’ouverture des panaris en cinq secs.
- Vous allez-t-il me faire mal, m’sieur le major?
- Mais non, mon garçon, assieds-toi là et ferme les yeux.
Crouc, un bon coup de bistouri bien appliqué et ça y était. Le soldat se tordait de douleur sur sa chaise,
cependant que, pour le consoler, nous lui tenions les habituels propos : "Eh bien ! tu en verras de plus
rudes, à la guerre... Tu es un homme, sacrebleu !" et autres fariboles délurées. Le panaris des autres semble
toujours insignifiant. »
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André COMTE-SPONVILLE / Impromptus / PUF 1996
« La science— toute science— est sans conscience ni limites, sans autres limites, veux-je dire, que celles
qu’elle se donne pour tâche de franchir, qu’elle franchit en effet, tôt ou tard, et qui ne sauraient dès lors la
limiter. Si on laisse les sciences et les techniques à la pure spontanéité de leur développement interne, une
seule chose est certaine : selon le principe bien connu, tout le possible sera fait — et c’est, s’agissant de
l’homme, ce qu’il n’est plus possible d’accepter. Il faut donc, au développement spontané (et heureux) de
la médecine scientifique, des limites externes : déontologiques, éthiques ou juridiques, selon les cas et les
enjeux, d’ailleurs toutes nécessaires et irréductibles les unes aux autres. »
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